Cette fin de semaine, après vendange, nous avons mis en bouteilles cuvée Petraea MMVII et Les Rachais 2007, le 23 octobre dernier, en Jour Fruit, comme par hasard. … :o))
C’est donc la pleine saison des indigénes… lire les levures indigènes naturelles, les levures naturelles de terroirs et de chais. Celles qui se trouvent naturellement sur la pruine des grains de raisin, les naturelles et authentiques de terroirs.
Mais aussi, … celles qui se trouvent in situ, les levures qui ont élu domicile dans l’ambiance des chais, sur le matériel de vinification, le pressoir, dans la porosité du merrain des barriques, …
C’est d’ailleurs un vaste débat permanent entre professionnels, à savoir si les souches de levures indigènes proviennent bien des terroirs ou des chais ? ? ?
Les avis sont partagés, ce qui ne fait qu’alimenter la polémique.
Par exemple, voir ici: Etude sur la microflore indigène réalisée par l’ICV de Lattes
Aujourd’hui, il serait trop long d’entrer dans le débat, une note ne suffirait pas à aborder toutes les thèses développées, … j’ai encore des papiers et déclarations de vendanges à terminer, je ne suis pas en avance.
Aussi, puisque on me posait la question dans des commentaires précédents concernant l’utilisation des levures indigènes pour la prise de mousse – au tirage (en patois champenois) , et apporter de la clarté – des précisions au sujet d’un article paru dans un journal local du Piémont Italien concernant notre mode de vinification, …
Voici, donc ma méthode (artisanale) de préparation de pied de cuve de levures naturelles indigènes destinées à la prise de mousse – la seconde fermentation alcoolique en bouteilles et pour compléter la note concernant le levurage des moûts…
Il y a environ 15 jours, j’ai prélevé 2 pieds de cuve sur des barriques de Rachais – chardonnay et de pinot noir en fermentation (densité + ou – 1030), soit 2 x 10 litres, afin de démarrer un levain qui servira à ensemencer le vin destiné à être embouteillé, afin de réaliser la prise de mousse en bouteilles.
On ensemence habituellement le vin à tirer dans des proportion de 4 à 5 % de levain.
Soit, on part de 2 x 10 litres de ferments prélevés dans les barriques en pleine fermentation pour arriver à 300 litres d’un levain actif, qui servira à ensemencer 75 hectolitres de vin à tirer.
75 hectolitres = les 30 hectolitres de Rachais 2007 + les 45 hectolitres de Petraea XCVII-MMVII.
La multiplication s’effectue par dédoublement du volume tous les + ou – 2 jours.
Le temps nécessaire pour que les levures se multiplient, reprennent de l’activité dans leur nouveau milieu (vin + liqueur de tirage) et se multiplient à nouveau, pour coloniser le nouvel espace.
Elles arrivent ainsi à une densité de population d’environ 50.000.000 de levures par cm3 de levain.
Soit, dans des conditions normales de fermentation, on passe de 10 à 20 litres en 48 h., de 20 à 40 litres + 48 h., de 40 à 80 litres + 48 h.00, de 80 à 160 litres + 48 h.00 et enfin de 160 litres à 300 litres, quantité de levain nécessaire pour ensecemencer nos 75 hectolitres de vin à tirer avec 4 % de levain bien actif.
Ca prend du temps…
Le choix des 2 pieds de cuve se fait avec l’aide d’analyses labo (SO2, acidité volatile, …) et organoleptique, afin d’éviter des souches d’indigènes qui produiraient du SO2, de l’acidité volatile en excés, ou tout autre dérivé de mauvais goût (réduit, éthyl-phénols, éthanal, …). En cours de multiplication, il convient de prendre soin de bien aérer le levain matin, midi et soir, afin d’apporter de l’oxygéne aux levures en fermentation, pour qu’elles travaillent (se multiplient) dans les meilleures conditions.
Surveiller la densité, dès qu’elle chute tout près de 1.000 les levures n’ont plus à manger (du sucre), il faut leur apporter leur repas avant qu’elles ne dépérissent, par une liqueur de tirage (sucre + vin) … ce qui correspond habituellement à la phase de dédoublement du volume, après 48 h.
On effectue, une analyse du levain (SO2 + acidité volatile) + une micro, pour voir si leurs membranes sont bien transparentes – en bonne santé, et si la colonie se multiplie bien en nombre important, … si elles ont fait des petits.
On goûte le levain, pour apprécier si il n’y a pas de déviances organoleptiques ( mauvais goût de réduit, …). En fonction de tous ces éléments, il est souvent nécessaire de réchauffer le levain, surtout en cette saison, fin octobre, il géle blanc tous les matins, dans les chais la température se refroidit.
Les levures n’apprécient pas le froid, elles n’ont plus beaucoup d’activités dès qu’il fait froid ( 8 – 9 °C), aussi , surtout au moment de la multiplication – du dédoublement, il est parfois nécessaire de réchauffer le mileu, pour qu’elles reprennent de l’activité. Et puis, à chaque étape de la multiplication apporter leur 35 g/L de liqueur nécessaire à les alimenter pour 48 heures.
Voilà en résumé simplifié les différentes étapes de l’élaboration d’un levain d’indigènes destiné à la prise de mousse.
Souvent l’étape la plus délicate est le 1er stade, bien choisir son ferment d’origine ( sans mauvais goût, sans souche qui produirait du SO2 – d’où l’analyse, …) et le remettre en activité sur vin + liqueur (35 g. /L)… il ne faut pas hésiter à mettre les bonbonnes près d’un radiateur, et de bien les agiter souvent… car cela prend souvent 3-4 jours avant que la population ne s’active.
…
Pour démarrer un levain au printemps, on suit la même démarche avec un mout de vendange en fermentation, que l’on placera au congélateur.
L’étape la plus délicate est la décongélation de ce pied de cuve prélevé à la vendange, qui doit s’effectuer sur plusieurs jours, en remontant graduellement de températures / des T° négatives aux T° positives.
Sinon, il y a encore la possibilité de réaliser sa propre levure naturelle indigène séche … mais le budget de + ou – 60.000 euros me laisse encore perplexe.
J’ai essayé x fois avec des lies fraîches, mais ça ne marche pas.
Probablement parce que il y a plus de levures finisseuses que de starters dans les lies ?
Il faut dire qu’avec nos vins septentrionaux d’acidité élevée et nos pH souvent bas, et des températures froides,
ce n’est pas toujours aisé de mettre en route nos fermentations alcooliques … et malolactiques…. les levures n’apprécient pas l’acidité.
A cela s’ajoute des températures qui ne sont pas clémentes à l’automne et au printemps, ce qui ne nous facilite pas l’ouvrage.
Alors, telle une infirmière, il est nécessaire de prodiguer les meilleurs soins, et être attentif à tout signe d’inactivité du levain.
Voilà, un bon moyen d’aborder le sujet de la Table Ronde du prochain Salon Vini di Vignaioli – Vins de Vignerons à Fornovo, en Italie : LES LEVURES,
parce que je m’exprime mieux (comprendre : très moyen) à l’écrit qu’à l’oral, surtout devant une assemblée …
Toute cette démarche de levures naturelles indigénes, afin de conserver une biodiversité de caractères, d’arômes et de saveurs… qui tend à disparaître avec l’utilisation généralisée des 5-6 souches de Levures Actives Séches Champenoises.
Au printemps, en saison, je développerai la réactivation du mout en fermentation congelé à cette vendange. Merci de patienter.
Et pour finir, pour animer la polémique levures naturelles indigénes : de terroirs ou de chais ? si ce ne sont pas des indigènes de terroirs, dans tous les cas celles-ci sont bien des levures naturelles indigènes faconnées de mes mains.